
ENERGIE - DES SOLUTIONS POUR PRODUIRE SANS DETRUIRE L'ENVIRONNEMENT
"Il n'y a pas de crise de l'Energie,
mais simplement une crise d'Ignorance" B.Fuller
www.quanthomme.com
Ce texte est paru le 29 mai 2002 dans notre site de base www.quanthomme.org, où vous trouverez
des renseignements supplémentaires
23 ans plus tard,
10 décembre 2004, il est toujours d'actualité
REFLEXIONS SUR L'INTERET DE L'AUTARCIE ENERGETIQUE
DE L'AGRICULTURE PAR LA METHANISATION DES DECHETS
M. David et L. Plas (1981)
La biomasse n'est certes pas la solution universelle mais elle présente à nos
yeux l'avantage d'être l'énergie de l'agro-alimentaire produite avec elle et en
même temps qu'elle est capable de la libérer du marasme dans lequel la crise de
l'énergie l'a plongée depuis bientôt 8 ans.
La biomasse, qu'elle soit ordures ménagères, déchets solides agricoles et
alimentaires, litières et fumiers, effluents industriels et agricoles, lisiers
et fientes, eaux résiduaires et effluents urbains sont des sources d'énergie
produite localement qu'il faut traiter pour les épurer et en tirer des richesses
indûment négligées dont les bio engrais et les biocarburants.
La protection de l'environnement et surtout celle de l'eau est maintenant
considérée comme une nécessité. L'épuration des effluents polluants nécessite
déjà un investissement à fonds perdus. La rentabilité de cette opération n'étant
pas évidente pour tous, il a fallu procéder à des pressions notamment en
prélevant des taxes qui financent les investissements de stations d'épuration.
La fermentation anaérobie méthanogène des effluents ne nécessite guère plus
d'investissements que la fermentation aérobie tandis qu'elle réalise en même
temps que l'épuration une valorisation par la production de méthane, de produits
fertilisants ou commercialisables tels que le gaz carbonique liquéfié ou des
provendes riches en protéines. Il paraît dès lors absurde de détruire cette
énergie et ces richesses par une épuration aérobie qui consomme de l'énergie.
La fermentation méthanigène des déchets solides et liquides assure non seulement
la fonction épuration et assainissement mais encore apporte in situ à
l'entreprise agricole l'énergie, les engrais et l'humus et des produits
valorisés commercialisables.
Ce méthane biologique associé avec d'autres énergies produites localement peut
rendre l'agriculture autarcique dans ce domaine.
L'indépendance énergétique a pour effet d'affranchir les prix agricoles de celui
de l'énergie. En effet, en 35 ans, l'agriculture est devenue fortement
dépendante de l'énergie et des engrais chimiques eux-mêmes fortement dépendants
de l'énergie puisqu'il faut environ 2 litres de pétrole pour produire 1,6 kg
d'engrais azoté.
Dans le monde d'aujourd'hui, il existe 2 richesses fondamentales. L'une est
l'énergie qui fait vivre l'industrie. L'autre est l'agro-alimentaire qui fait
vivre l'homme. L'une et l'autre sont des armes puissantes dans les mains des
états. On a parlé de pouvoir vert que l'on oppose au pouvoir de l'énergie.mais
si on remarque que l'agro- alimentaire s'alimente d'énergie, on en conclut que
le véritable pouvoir appartient à l'énergie. De plus, l'arme alimentaire est
d'un usage difficile compte tenu de la réprobation morale qu'elle suscite.
Cependant l'agro-alimentaire n'en constitue pas moins une monnaie d'échange pour
l'économie française mais sa dépendance énergétique lui retire de l'efficacité.
Dans ce climat de guerre économique que nous subissons,une agro-alimentaire
compétitive, libérée de son fardeau énergétique pourrait donner à la France le
véritable pétrole vert dont elle a besoin.
Si demain un conflit beaucoup plus grave devait éclater,la France coupée de ses
approvisionnements énergétiques verrait son agro-alimentaire s'effondrer. il est
donc urgent de permettre à l'agriculture de produire sa propre énergie.
Ainsi, non seulement l'agro-alimentaire ne serait plus tributaire de l'étranger
pour ses approvisionnements énergétiques que ce soit sous la forme de pétrole ou
d'uranium, avec les risques que cela comporte, mais encore, son coût ne serait
plus périodiquement perturbé par un accroissement du prix de l'énergie. En
effet, les pays producteurs d'énergie sont libres d'augmenter le prix de leur
énergie à leur guise alors que les agriculteurs ne sont pas libres d'augmenter
les prix de leur production car ceux-ci sont réglementés par les règlements
communautaires, ou simplement plafonnés par le prix du marché.
Dans une économie internationale globalement en stagnation sinon en régression,
si on veut accroître sa part de marché, il faut le faire au détriment des
concurrents en proposant des marchandises de meilleure qualité et à des prix
compétitifs ou inférieurs. Comme la facture pétrolière augmente, il faut
exporter davantage notamment des produits agro-alimentaires. Il y a là un cercle
vicieux dont l'agriculture fait les frais.
Dans la compétition internationale, les pays qui disposent de ressources
énergétiques bon marché sont d'autant plus favorisés que la couverture de leurs
besoins est plus large. Avec des ressources modestes,la France est très
défavorisée. Son agro-alimentaire très mécanisé incorpore un coût énergétique
élevé. Elle subit de plein fouet les hausses de prix de l'énergie.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le pouvoir d'achat des agriculteurs
baisse régulièrement depuis le premier choc pétrolier.Encore faut-il remarquer
que l'agriculture a bénéficié de carburants détaxés ce qui a tempéré ses
souffrances.
Si l'agriculture française acquiert son indépendance énergétique,non seulement
elle ne subit plus la loi d'une situation qui lui est défavorable mais encore
elle va bénéficier des plus values induites par le renchérissement permanent de
l'énergie en les mettant à son profit. Il en résultera un accroissement de
compétitivité donc de production, ce qui dans le contexte du déficit alimentaire
mondial est une bonne chose. Ce sera aussi le moyen de se procurer les devises
nécessaires à l'achat de notre pétrole, car généralement les pays producteurs de
pétrole sont des pays sans grosses ressources agro-alimentaires.
Il s'agit là d'un retournement complet de situation qui permet d'acheter de
l'énergie avec de l'agro-alimentaire. Ce n'est pas une utopie. L'autarcie
énergétique de l'agriculture est une possibilité qu'envisagent sérieusement de
nombreux experts notamment du département américain de l'agriculture. La
timidité et la relative rareté de ces affirmations résulte plus des pressions
qu'exercent les nombreux intérêts liés au pétrole que du degré de certitudes. On
sait que l'agriculture fournit déjà avec ses sous produits un potentiel
énergétique suffisant pour satisfaire ses besoins. Il s'agit là d'une évaluation
théorique, car beaucoup de ces sous produits ne sont pas facilement utilisables.
Cependant ce potentiel existe et montre qu'un appoint avec des cultures
énergétiques et l'énergie solaire, celle du vent ou la géothermie, suffiraient à
garantir l'auto suffisance énergétique.
L'autarcie énergétique rurale va rendre caduques beaucoup de ces lignes
électriques qui défigurent nos campagnes. Certes, cela ne fera pas plaisir à
tout le monde, notamment ceux qui vivent de ce genre de choses, mais ce sera la
fin d'une situation qui, si on y regarde de plus près,est absurde.
On reste en effet confondu de l'absurdité d'un système qui
achemine à grand prix l'énergie pour servir des exploitations isolées et
dispersées dans des régions souvent difficiles d'accès. On peut sans se
tromper affirmer que cette opération n'a jamais été rentable, mais soyons
justes, il s'agissait d'acheminer le confort à la ferme et chez les ruraux.C'est
le cas typique où le rentable s'efface devant le social.
Beaucoup plus grave est ce qui suit. Ce réseau de lignes
électriques constitue une cible de choix pour des saboteurs en cas de conflit
armé tout comme d'ailleurs ces grosses centrales qui font l'orgueil des
technocrates et l'angoisse des stratèges chargés de le défendre.
On frémit à l'idée que des terroristes bien entraînés pourraient en toute
impunité s'exercer au chantage et paralyser l'économie de régions entières en
s'attaquant par- ci par-là, à ces lignes électriques.Quant aux centrales
elles-mêmes on imagine la catastrophe que serait leur destruction surtout si
cela avait pour conséquence de diffuser dans la nature certaines substances
terriblement toxiques et meurtrières.
La centralisation énergétique est une erreur sinon une ineptie
sur le plan stratégique. C'est le meilleur moyen de livrer la France en
otage aussi bien à des technocrates qui reprendraient à leur compte les abus des
grands monopoles qu'à un ennemi éventuel qui voudrait paralyser une économie en
guerre. La vulnérabilité d'un tel système est évidente.
La redéfinition globale d'un autre système énergétique décentralisé sort de
notre compétence. Nous n'avons réfléchi qu'au seul secteur agricole et ses
imbrications avec l'énergie.
Avec les énergies douces et renouvelables du type solaire, la biomasse en étant
un de ses aspects, chaque ferme, chaque commune,chaque bourg est à l'abri du
pire. Quant au pays dans son ensemble, il acquiert sa sécurité alimentaire en
cas de crise grave ou de conflit et sa compétitivité économique dans la guerre
économique actuelle.
On a décidé récemment que l'agro-alimentaire serait un atout pour la France.
Mais nos démêlés avec nos partenaires de la communauté européenne démontrent à
l'envi que notre position ne sera pas commode tant que nos prix seront
supérieurs aux cours mondiaux .
Une agro-alimentaire restructurée solide et compétitive devient une arme
puissante pour équilibrer notre balance économique.Contrairement à ce que l'on
pense, il n'y a pas que les grandes exploitations des plaines riches qui sont
rentables. De même il n'y a pas que les grandes firmes qui prospèrent. On voit
souvent réussir des petites exploitations parce que ceux qui les gèrent ont fait
preuve d'imagination et appliquent une gestion rigoureuse " Small is beautiful
".
Cette règle démontre chaque jour sa vérité. Nos produits agro-alimentaires
peuvent être compétitifs sans que cela se fasse au détriment du niveau de vie de
l'agriculteur. Il suffit pour cela non seulement de lui en donner les
moyens,mais encore ne pas lui retirer la meilleure part, celle que s'arroge la
distribution.
Lorsque la valeur ajoutée de l'agriculture est de 87millions de francs, celle de
la transformation est de 113 millions de F et celle du commerce agro-alimentaire
est de 112 millions de F. Cette dernière activité qui n'a pas à supporter les
investissements de l'industrie agro-alimentaire,les risques et les servitudes de
l'agriculture, réalise une valeur ajoutée considérable. On comprend pourquoi
elle s'est développée si rapidement ces dernières années et pourquoi elle est si
prospère.
Ainsi la première erreur est de séparer la fonction agricole des autres
fonctions économiques qui viennent se greffer sur elle. Si l'industrie de
transformation agro-alimentaire, dont le rôle est essentiel parce qu'elle
stabilise la production et la valorise souffre, c'est parce que les marges se
font ailleurs à l'occasion de la distribution dans les grandes surfaces. En
conséquence, elle ne va pas pouvoir investir pour pouvoir accroître sa
productivité et va péricliter. Sans défense vis à vis de la distribution,elle se
retourne vers la production encore plus vulnérable et lui impose des prix de
misère, prix qui découragent la production. Ne serait-il pas plus logique
d'intégrer ces différentes fonctions économiques afin de répartir des marges
plus équitablement ? Notre agriculture y gagnerait en santé et en capacité de
modernisation, gage de sa productivité et de sa compétitivité future. De plus,
l'argent gagné par l'agriculteur est investi dans l'exploitation alors que celui
qui est gagné dans les autres domaines d'activité peut être placé n'importe où,
voire même à l'étranger, mais surtout pas dans l'agriculture où les difficultés
abondent.
Il n'est un secret pour personne que la volonté publique depuis la fin de la
seconde guerre mondiale est de diminuer la population agricole afin de faciliter
une mutation de notre agriculture en direction de modèles mis au point dans les
pays anglo-saxons et qui intègrent une part toujours croissante d'énergie et de
mécanisation. La Grande - Bretagne a été la première en Europe à faire cette
mutation parce que sa situation au sein du Commonwealth l'obligeait à échanger
des produits manufacturés chez elle contre des denrées agricoles produites à
très bas pris dans certain pays tels que le Canada, la Nouvelle-Zélande ou
l'Australie très favorisée sur le plan agricole. Il en résulte que la population
agricole britannique est une des plus faibles qui soit avec 3à 4 % de la
population active.
La politique agricole de la France a donc été de tendre vers ce modèle et, de 40
% de la population active en 1938, la population agricole est passée à 9 %
(1981) *. On prévoit une réduction de 9 à 5 %dans les années à venir. A titre
indicatif, la population agricole est respectivement de 4 % aux Etats-Unis, de
3,5 % en Grande-Bretagne, et de 6 % en Allemagne fédérale. Bien entendu, la
population agricole qui quittait la terre venait grossir le flot des demandeurs
d'emplois dans les secteurs industriels et ceux des services. Pendant longtemps
ces secteurs en forte expansion n'ont eu aucun mal à absorber cette population
venant de l'agriculture. La demande étaittelle qu'il a même fallu importer de la
main d'ouvre immigrée afin de limiter la tension sur les salaires, et dans
certains secteurs trouver des gens qui acceptent les conditions difficiles du
travail.
C'est donc une agriculture française en pleine mutation,soumise à la dure loi de
la concurrence internationale, avec une sélection impitoyable qui favorisait les
bonnes terres et les grandes superficies, qui a subi de plein fouet la crise
économique. On a cherché à compenser son handicap et ses difficultés par des
subventions et des aides qui ont fait de l'agriculture et de la coopération
agricole une grande malade assistée. On a pris des mauvaises habitudes. On a
investi sans prudence, alléché par des perspectives trompeuses et on s'est livré
pieds et poings liés aux produits phytosanitaires, fertilisants, et autres
aliments de bétails. Des contrats ont été passés qui sont pour les agriculteurs
de véritables prisons où ils passent leur vie à rembourser et s'endetter.
Pour devenir libre et responsable, l'agriculture doit s'affranchir totalement ou
partiellement de ces serviteurs trop intéressés qui l'exploitent. L'agriculture
écologique est peut-être une solution. Les énergies nouvelles, type solaire ou
biomasse en sont une autre.
La bio énergie est rentable. Il suffit d'intégrer autour de sa production
l'ensemble des autres valorisations telles que épuration et produits parallèles.
Les exemples de réussite ne manquent pas notamment aux Etats - Unis où existe un
libéralisme économique plus réel qu'en France.
Un éleveur de porcs du Middle West transforme son lisier en méthane. Par
ailleurs et simultanément, il récupère de ce lisier un aliment du bétail riche
en protéines qu'il recycle dans l'alimentation de ses porcs. Le CO2 produit est
liquéfié avec 10 % du méthane produit et utilisé dans les chambres froides de
son abattoir. Rien ne s'oppose à ce qu'il le vende à des tiers
Un autre élément d'appréciation de l'économie d'une activité est l'incidence de
l'environnement structurel sur cette activité. On oublie bien souvent que
certaines activités ou productions ne sont possibles et rentables que parce
qu'il existe par ailleurs un environnement permissif qui résulte
d'investissements à fonds perdus dits de structure tels que routes,
ports,chemins de fer pris en charge par la collectivité.
L'agriculture française actuelle n'existe que parce que des générations d'hommes
ont défriché les forêts, épierré et dessouché les champs, nivelé, drainé les
marais et assaini les terres. Le biotope s'est modifié. Des prairies sont
devenues naturelles. On a construit des logements pour les hommes et les
animaux, des granges pour le foin, des hangars pour les machines et les outils,
creusé des puits, tracé des chemins…On peut objecter que tout ceci est amorti
depuis longtemps. Il n'empêche que si tout cela n'existait pas il faudrait le
créer, ce qui représenterait un investissement énorme. Lorsqu'on se penche sur
le cas des pays en développement, on réalise que le plus gros handicap à leur
développement agricole est précisément le coût de premier établissement qui,
intégré dans la rentabilité de l'opération décourage l'investissement.
Comment estimer la rentabilité d'une grange dont la fonction est de stocker de
la paille dont la valeur immédiate est dérisoire par rapport à celle de la
grange à l'état neuf même amortie sur 25 ans.
En agriculture la rentabilité ne se raisonne pas de la même façon que dans
l'industrie où tout va très vite dans la course effrénée de l'évolution
technologique. Amortir en moins de cinq ans en agriculture est un rêve.
Pour montrer la relativité des affirmations dans le domaine agricole notons
encore que bien que nos prétendus progrès s'avèrent par certains côtés n'être
que des régressions. Les rendements élevés n'ont été obtenus qu'au prix de
dépenses de plus en plus lourdes de toute nature et au détriment de la qualité
des produits, de leur rusticité, de leur valeur nutritionnelle et du rendement
énergétique.
Avec l'énergie bon marché, on a pris l'habitude de la gaspiller. Certes la
consommation croissante d'énergie s'est traduite par un accroissement de
productivité et de confort. Mais maintenant que l'énergie est chère, tout est
remis en question, car l'agriculteur n'en a plus les moyens. Or il n'est pas
question de revenir en arrière : la productivité est indispensable à son niveau
de vie et le confort dans sa vie et son travail est un droit qu'il a acquis
chèrement et qui ne saurait lui être retiré.
La structure de l'économie agricole est définitivement prisonnière de l'énergie
et des moyens d'exploitation apportés par l'évolution technologique. Le nier
serait prendre un risque très grand. L'agriculteur ne peut plus se passer de
cette énergie et de ses moyens. Or il s'est produit dans le monde une mutation
qui fait que l'énergie est devenue chère. Face à cette mutation
de l'économie mondiale dont il fait les frais, l'agriculteur est désarmé. Les
structures économiques et politiques en place sont inopérantes pour résoudre ces
problèmes. Si on n'aide pas l'agriculture à se restructurer, notamment
sur le plan énergétique, on ne lui verra pas jouer le rôle de pétrole vert de la
France. Cette restructuration doit être à la charge de la communauté nationale,
car la grande majorité des agriculteurs n'en a pas les moyens. Cette
restructuration concerne principalement l'investissement par les pouvoirs
publics dans la création de mini stations et de stations collectives pour la
méthanisation des déchets de l'agriculture et de l'élevage, afin de produire sur
place ou à proximité des exploitations agricoles l'énergie et les produits
fertilisants nécessaires.
Pour rendre l'agriculture autarcique, il faudra prévoir un investissement dans
la création de capteurs solaires, éoliennes et autres sources d'énergie
complémentaires pour faire l'appoint. Cette restructuration suppose donc des
investissements de type structurels comme cela se fait pour les routes ou les
ouvrages d'art et dont la rentabilisation n'est pas directe et en aucun cas à la
charge des exploitations. Comme l'enjeu de cette restructuration est une
agriculture forte, compétitive et capable d'exporter dans le monde entier ses
produits, on peut affirmer que l'opération est rentable pour l'économie
nationale. Plutôt que de dépenser chaque année des sommes considérables pour
subventionner une agriculture qui ne s'en sort pas, il semble préférable de lui
donner une fois pour toute les moyens de s'en sortir. De plus, l'expérience
française peut être bénéfique pour la communauté internationale à la fois parce
qu'elle va permettre d'augmenter ses disponibilités agro-alimentaires et parce
que cela peut servir d'exemple pour d'autres pays qui ont à résoudre leurs
problèmes alimentaires.
Ce qui précède nous amène à nous interroger sur les rapports de force entre les
états riches et pauvres en énergie et les abus que cela entraîne. Il serait plus
exact d'ajouter une troisième catégorie d'acteurs dans ce drame où les plus
faibles sont toujours les perdants. Il s'agit des compagnies pétrolières.
Les compagnies pétrolières appartiennent généralement à des pays riches qui
possèdent leur propre énergie et sont par conséquent à l'abri en cas de pénurie.
Elles possèdent un atout considérable par rapport à la grande majorité des pays
producteurs : celui de contrôler le marché. C'est pourquoi les compagnies
pétrolières ne sont pas du tout mécontentes de la situation actuelle et leurs
protestations sont de pure forme. Il existe de fait une complicité entre les
pays producteurs et les grandes compagnies pétrolières.Toute augmentation du
baril de pétrole constitue pour ces dernières une aubaine car immédiatement cela
signifie pour elles une plus value considérable sur leurs stocks. Dans le monde
actuel, tel qu'il est, il est difficile d'espérer un changement. On remarque que
l'URSS pratique une politique comparable puisqu'elle s'aligne sur les cours
mondiaux pour approvisionner les pays de l'Europe de l'Est en pétrole. C'est
pour elle un moyen de domination et l'attitude de la Roumanie, la seule à avoir
des gisements de pétrole est significative.
La position de force des pays producteurs et des compagnies pétrolières les
conduit à abuser de la situation ce qui met en péril la production alimentaire
mondiale. En effet, l'agriculture étant de plus en plus dépendante de l'énergie,
il s'effectue un prélèvement de richesses sur le travail de l'agriculteur qui
profite au pétrolier. Il en résulte une alimentation chère qu'une grande partie
de l'humanité ne peut s'offrir.
On peut déjà s'indigner que l'énergie soit devenue le moyen par lequel le
travail des uns est exploité par d'autres comme jadis avec le prix du sel. On
doit dénoncer le fait que l'énergie chère conduise à priver l'humanité d'une
alimentation qui lui manque tant, soit parce que les pays pauvres épuisent leurs
disponibilités financières par leur achats en énergie,soit parce que le prix des
denrées alimentaires s'accroît. Le rôle de l'agro-alimentaire
est trop important pour résoudre le drame de la faim dans le monde pour qu'une
poignée de privilégiés ne vienne entraver son développement par la démesure de
ses exigences. L'avidité de profits à courte vue pour les uns, la volonté
de tirer le meilleur parti de leur unique ressource pour d'autres sans tenir
compte des conséquences que cela peut avoir pour les pays les plus pauvres, tout
cela risque de conduire au pire. Certes, tout n'est pas illégitime dans la
politique de l'énergie chère. Des pays désertiques qui n'ont que du pétrole et
des réserves limitées doivent se préparer pour des lendemains
difficiles.Cependant, si l'on n'y prend pas garde, un prix de l'énergie excessif
va entraîner une récession générale surtout dramatique pour les pays les plus
démunis. Ce n'est pas en essayant de corriger les ravages causés
par des aides qui sont souvent un moyen déguisé d'imposer leur influence que le
problème sera réglé.
Dans le schéma économique actuel, une énergie chère conduit à une
alimentation chère que seuls les riches, pays et individus,peuvent acheter et
les marchés solvables se rétrécissent tandis que les pauvres sont condamnés à la
malnutrition si ce n'est la sous nutrition.
La sous consommation entraîne une déséconomie d'échelle et la déstabilisation
économique avec pour conséquence l'inflation par la rareté, la récession
économique et la crise.
En France, par le jeu des marges qui s'amenuisent, les faillites s'accélèrent.
Les paysans abandonnent leurs terres et les vendent.Un jour ces terres seront
achetées par ceux que l'énergie chère enrichit. Il s'agit d'une nouvelle forme
de colonialisme par l'énergie, forme insidieuse car elle se fait sans bruit, à
pas feutrés. Des sociétés qui gèrent des pétro-dollars achèteront ces terres
pour placer un argent délaissant une industrie fragilisée par la crise
économique mondiale.
Le coût de l'énergie atteint le cœur du monde rural français avec ses
exploitations qui s'endettent, ces hommes qui s'épuisent et découragés vont à la
ville mendier un autre emploi, ces terres qui changent de main.
Hier, au nom de la productivité avec une énergie bon marché qui devait remplacer
avantageusement l'homme au travail, on a favorisé l'exode rural. Aujourd'hui,
c'est cette énergie devenue chère qui chasse l'homme de sa terre. Ceux qui
restent recherchent dans cette énergie par la mécanisation à outrance la
solution de leur survie, mais cette énergie est comme une drogue dont il faut
toujours user davantage mais qui finit par vous détruire.
La campagne se dépeuple pour des villes hypertrophiées et sans âme où chacun
perd son identité et ses particularités, alors qu'on voudrait tant vivre au pays
parmi les siens et dans ses traditions.
La France rurale, la France authentique, la France millénaire,avec ses variétés
qui firent son étonnante richesse d'esprit et de culture,cette France là se
meurt, dévitalisée, exsangue, anéantie. Ses racines pourrissent. Seuls quelques
vieillards se souviennent et demain avec leur départ,ce souvenir s'en ira. Cette
France là est prête pour la curée. La curée des citadins en quête de résidence
secondaire, la curée des envahisseurs quis entent le pétrole ou l'uranium.
Il est presque trop tard, mais on peut encore la sauver en donnant aux paysans
les moyens de se libérer de l'esclavage de l'énergie. La biomasse et l'énergie
solaire en sont un, la géothermie en est un autre. Tout ce qui crée de l'énergie
près de l'exploitation agricole, tout ce qui apporte des richesses au pays
autour d'une énergie décentralisée, tout cela va donner vie à la France.
Au pouvoir énergétique entre les mains d'une minorité,il faut opposer un pouvoir
vert aux mains des paysans. Il faut équilibrer les forces pour éviter les abus.
Tout monopole est un impérialisme. Un cartel de pays, de sociétés ou d'individus
se forme pour s'entendre et tout leur appartient. Une agriculture qui se nourrit
d'une énergie venue d'ailleurs et qu'elle ne contrôle pas devient l'otage de
ceux qui la lui vendent. Lever de l'énergie est dans les fruits
de la terre. Tant que cela durera l'agro-alimentaire roulera au profit des
pétroliers et de leurs complices les producteurs d'engrais.
Si notre analyse se confirme, cela veut dire que la situation ne peut
plus durer, car une énergie qui deviendrait hors de prix aggraverait
dangereusement le déficit alimentaire et mettrait en péril des milliards
d'hommes. Ce serait le nouveau crime des pays nantis contre l'humanité des pays
démunis.
Les espoirs d'une solution politique à l'échelle planétaire sont faibles à court
terme. Les pauvres paieront longtemps pour enrichir les riches. D'autant que
certains, qui naguère dénonçaient les égoïsmes des pays industrialisés,
reprennent maintenant à leur compte les mêmes abus au nom d'un juste retour des
choses.
La seule solution est technologique. Un pays comme la France se doit de tout
faire pour desserrer le carcan qui pèse sur ses agriculteurs et ceux des pays
pauvres, en développant une technologie qui libère l'agro-alimentaire de son
joug énergétique.
En rendant l'agro-alimentaire autarcique, en cette matière,on lui redonne vie et
on crée un contre pouvoir alimentaire qui permet d'échanger plus équitablement
l'aliment de l'homme contre celui de la machine.
Vous trouverez en annexe quelques données sur lesquelles nous fondons notre
confiance en nos procédés. Nos procédés permettent de traiter la biomasse
liquide ou solide en méthanisation en respectant le droit légitime des
agriculteurs à des conditions de travail décentes. Nos digesteurs ne doivent pas
fournir que de l'énergie car cela diminue la rentabilité de l'opération.On peut
noter par exemple que le gaz carbonique peut être liquéfié en consommant une
faible partie du méthane produit (environ 10 %) avec un faible supplément de
prix d'investissement. Ceci pourrait permettre de consommer une partie du
méthane dont la consommation baisse en été au lieu de le brûler dans une
torchère. Signalons que le gaz carbonique liquéfié se vend 3 à 4fois plus cher
que le méthane pur et qu'il s'en produit à peu près autant en poids. C'est un
produit très utilisé en agriculture pour la conservation des fruits et légumes
et pour réfrigérer les chambres froides . Or c'est une activité à laquelle
l'agriculture doit renoncer pour ne pas se heurter à certaines sociétés qui en
ont le quasi monopole en France.
Des conflits peuvent naître aussi du fait de la concurrence que pourraient faire
les engrais naturels aux engrais chimiques.Pourtant, l'élevage sans sol qui
consomme des aliments produits ailleurs restitue un engrais azoté
commercialisable.
Nous avons déjà mentionné que l'un des problèmes auquel l'agriculteur qui
produit son méthane va se heurter est la variation de consommation entre l'hiver
et l'été. Par ailleurs son potentiel méthanigène est parfois plus important que
ses besoins. Enfin, les petites stations sont plus chères que les grandes. Si on
veut bénéficier de l'économie d'échelle et assurer une pleine utilisation du
méthane produit, on a intérêt à réaliser des installations collectives, dans le
cadre de coopératives de production d'énergie à partir des déchets agricoles de
différentes exploitations agricoles peu éloignées les unes des autres, et de
créer simultanément des activités consommatrices de cette énergie ou
transformatrice des autres sous-produits en vue de leur valorisation comme par
exemple le gaz carbonique ou le compost. On peut tout aussi bien acheminer les
déchets à une station qui serait créée à côté d'une usine existante et qui
serait le principal consommateur de la production de gaz.
C'est tout l'ensemble de la fonction valorisation qu'il faut repenser et non
seulement la production d'énergie. Il est bien connu des industriels que l'on
gagne surtout de l'argent avec les sous-produits à tel point qu'on les appelle
maintenant produits parallèles. Enfin, tant que la meilleure part restera entre
les mains des non agricoles, il sera difficile de vouloir vraiment rentabiliser
l'agriculture. Sans une intégration de celle-ci dans un contexte élargi qu'elle
maîtrise, toutes les solutions proposées seront vouées à l'échec et ce, au
détriment de tous.
Nous n'avons ici qu'effleuré le problème tel qu'il nous semble se poser. Sans
doute certaines de nos pensées paraîtront excessives ou inexactes et
mériteraient d'être affinées et confirmées.
Nous désirons surtout attirer l'attention des responsables sur les dangers qui
nous guettent. Nous ne nous contentons pas d'ouvrir un débat d'idées, nous
apportons des idées et des outils qui, selon nous, doivent permettre de
progresser en améliorant ce qui doit l'être.
L. Plas Ingénieur ENSIAA et M. David Technicien inventeur
* De 1988 à 2000 le nombre des exploitations est passé de 1 016 755 à 663 807;
l'ensemble des personnes y travaillant de 2 038 595 à 1 319 210 ; les plus
petites jusqu'à 75 ha se réduisant de 18 511 468 à 11 173 090 ha, les seules en
nombre croissant étant de grosses et très grosses exploitations de 75 à 300 ha,
ces dernières ayant doublé(données officielles- Ndlr)